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Lire!


"We need to talk about Kevin" (ou le livre contraception?)

D'une façon générale, je préfère les livres à leur adaptation cinématographique. Je crois que nous sommes nombreux dans ce cas.

Je ne regarde quasiment jamais un film lorsque j'ai déjà lu le livre qui est à l'origine de l'adaptation. Cela dit, à l'inverse, il m'arrive parfois, après avoir vu un film qui m'a plu,  de me pencher sur le livre dont il est tiré. Même si je connais les grandes lignes de l'histoire cela me permet de découvrir des scènes non exploitées par la caméra, de savourer les tournures de phrases, d'aller plus loin dans l'exploration des sentiments, etc.

C'est ce qui s'est passé avec le film "We need to talk about Kevin", sorti en 2011.

 

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Un film magistral, profondément dérangeant, porté par des comédiens brillants. Le film décrit la relation d'une mère et de son fils, de sa naissance à la sortie de son adolescence, une relation quasi immédiatement conflictuelle, faite de rancœurs, de blessures, de rendez-vous ratés. La communication ne s'établit pas ou alors très mal, jusqu'à ce que l'irréparable soit commis.  Quelques lourdeurs de mise en scène  n'ont toutefois pas gâché mon plaisir.

Je suis ressortie de la salle perturbée  parce qu'en manque d'explications. C'est peut-être là le point faible du film ou son point fort, je ne sais pas. Rien n'explique véritablement les difficultés viscérales qu'éprouvent cette mère et son fils à simplement se regarder. J'avais besoin de comprendre cette relation et je me suis mise rapidement à la recherche du livre: "Il faut qu'on parle de Kevin" de Lionel Shriver.

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J'ai trouvé le livre excellent. Tout aussi dérangeant que le film, si ce n'est plus. Chaque page m'a dérangée, et donné envie d'aller plus loin dans ma lecture. L'auteur s'attaque à des sujets inhabituels, peu conventionnels.

Tout d'abord, l'amour de la mère pour son enfant, célébré dans la littérature et les arts comme instinctif, inconditionnel,  puissant au-delà des mots, est ici mis à mal. Cette mère, que j'ai plaint tout au long de l'ouvrage, ne ressent rien de ce fameux instinct maternel. Elle en est consciente, et en souffre, en a honte. Mais c'est ainsi: cet enfant pourtant tiré de son ventre, reste un étranger. Elle essaie, se bat, s'efforce de créer du lien, mais rien n'est naturel.

Et il semble bien que cette méfiance soit réciproque dès le premier regard échangé entre la mère et le fils. Voilà ce qui m'a dérangée. L'enfant lui-même naît en regardant sa mère de travers. On dirait que ces deux là ne se supportent pas, comme deux animaux qui ne pourraient pas se rapprocher après s'être flairés. C'est un cercle vicieux. L'enfant semble sentir l'aversion de sa mère et y répond par un comportement insupportable qui le rend détestable. Il ne cessera de la provoquer , ne lui laissant aucun répit.

C'est là le deuxième sujet du livre: l'enfant, cet joli petit être censé susciter l'attendrissement , est présenté ici comme un sociopathe dès le berceau. Il grandit comme une plante sauvage, en trainant un mal-être dont on cherche l'origine tout au long du livre. Certes, la relation avec sa mère pose problème. Cela dit, cette-dernière s'efforce de bien faire, lutte contre sa répugnance, tente de nouer avec ce fils hostile une relation digne de ce nom. La perversité du garçon est effrayante, parce qu'elle ne se nourrit de rien de compréhensible, rien qui explique en tout cas l'issue extrême dans laquelle l'adolescent va se jeter.

La mère s'interroge tout au long du roman: est-elle la source du mal-être de Kevin? Est-ce elle qui est à l'origine de la puissance malveillante de cet adolescent?

Ou peut-on naître sociopathe, dépressif et pervers?

Le récit revient en une série de flash backs sur une suite de scènes familiales où la mère scrute son fils autant qu'elle le craint, sans réussir à percer son mystère.

Dérangeant, vraiment.

 

 


15/04/2014
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